Le fournisseur d’accès Internet associatif FDN (French Data Networks) (pdf), la Quadrature du Net (pdf), et la Ligue Odebi ont chacun rendu publique leur réponse au questionnaire de la Commission européenne sur la Neutralité du Net. La Ligue Odebi a envoyé un communiqué résumant sa position (pdf), axée sur la question de l’utilisation du Deep Packet Inspection (DPI) à des fins de Qualité de services (QoS) :
Le concept de Neutralité du Net, en provenance des Etats-Unis, en proie à un intense débat sur le rôle de la FCC dans un contexte de dérégulation qui leur est spécifique, masque une menace sur le respect du secret des correspondances.
La problématique cachée est celle de la mutation du réseau internet vers un réseau dit ‘NGN‘ auquel il serait conféré une certaine ‘intelligence’.
En pratique, cela signifie que les routeurs de ce futur réseau, via un procédé technique d’inspection du contenu des communications (DPI), serait capable d’acheminer ces communications de façon différenciée en fonction de leur contenu.
L’objectif des opérateurs est de vendre cet acheminement différencié des communications sous le nom de ‘Qualité de services’ (QoS) en le présentant comme un gain pour les utilisateurs.
En réalité, la QoS n’est d’aucun gain pour les utilisateurs tant que l’infrastructure du réseau a une bande passante suffisante. Cela étant, la QoS ne peut pas non plus faire de miracles, et se substituer à une augmentation de bande passante des réseaux, qui satureront de toutes façons si rien n’est fait, QoS, ou pas. Dès lors, on peut se demander pourquoi les opérateurs investiraient deux fois : une fois dans une nouvelle architecture, et une seconde fois, inéluctablement, dans une augmentation de la bande passante.
L’investissement des opérateurs dans cette nouvelle architecture n’a qu’un seul but : augmenter leurs bénéfices, et ce en organisant rationnellement une saturation de la bande passante pour pouvoir justifier la nécessité de la QoS, et donc la facturer aux abonnés.
En pratique, ce modèle repose sur le DPI, qui permet d’analyser les contenus échangés par les utilisateurs : cela constitue un viol du secret des correspondances.
Utilisée initialement pour défendre les réseaux contre des attaques, la technique de DPI a peu à peu évolué, et permet aujourd’hui de lire l’intégralité des échanges des internautes (y compris le contenu de leur mails au besoin), et va même jusqu’à identifier des comportements par des méthodes statistiques dans le cas où les internautes crypteraient leurs échanges.
Cette technologie est totalement inacceptable : les opérateurs doivent traiter les échanges des internautes sans ouvrir les paquets IP, tout comme la poste doit acheminer les lettres sans ouvrir les enveloppes.
A ce sujet, la Ligue Odebi s’interroge sur un récent document de l’ARCEP [page 57 ndlr] qui tendrait, dans sa présentation, à faire croire au public que le conseil constitutionnel aurait autorisé le DPI, et, partant, le viol du secret des correspondances.
Il est donc attendu des éclaircissements sur cette interprétation de l’ARCEP, et une analyse juridique crédible.
La Ligue Odebi appelle à une sensibilisation générale sur cette problématique du DPI et du respect du secret des correspondances dans la Société de l’information, en particulier en diffusant les réponses qu’elle a fait parvenir à la commission européenne, et à la Secrétaire d’Etat française chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique